Les éco-typographies, c’est quoi ?

Face aux défis environnementaux croissants, de nouvelles approches émergent dans le domaine du design. Des initiatives, print et web, voient le jour pour aider la créativité à trouver sa place dans un monde plus vert.

Qu’il s’agisse d’un site internet, d’un logo ou d’une affiche publicitaire, les stratégies de communication évoluent pour trouver le juste équilibre entre esthétisme, efficacité et conscience écologique. Quand on parle d’écoconception, les notions d’hébergement, fonctionnalités et visuels reviennent souvent sur le tapis. Mais connaissez-vous les éco-typographies ?

Des polices d’écriture écolo

On le sait, la typographie joue un rôle crucial dans la création de l’identité visuelle d’une marque. Elle reflète sa personnalité, contribue à susciter les émotions recherchées et à véhiculer le bon message. Elle englobe le choix des polices de caractères, leur taille, leur espacement et leur disposition.

Il ne faut donc pas se louper, d’autant que la police d’écriture possède aussi une empreinte environnementale. Eh oui ! Comme si le choix de la typographie parfaite n’était pas assez compliqué comme ça… Toutes ne nécessitent pas la même quantité de ressources. Par exemple, le style calligraphique propose de grandes lettres aux formes sophistiquées et souvent grasses. Il utilise plus d’encre à l’impression et épuise les cartouches plus rapidement, générant ainsi plus de déchets. Côté digital, il s’agira d’une police customisée, téléchargée en ligne. Elle devra interroger des serveurs pour générer les requêtes html nécessaires à son affichage. Cela prend du temps, de l’espace et de l’énergie.

Les éco-typographies, c’est tout l’inverse. Il s’agit de polices de caractères plus responsables. Elles doivent concilier impact visuel et écologique. Pour cela, deux critères majeurs sur lesquels travailler :

• La taille du texte
• L’épaisseur des lettres

En effet, plus on écrit petit, moins on utilise d’encre et de feuilles (ou de pixels sur le net). De même pour l’espacement des lettres et leur caractère gras. Dans une démarche d’éco-conception, on privilégie donc les polices fines et étroites. Logique.

On sait ce que vous pensez. Ça manque un peu de fun tout ça, non ? On vous l’accorde, les éco-typographies peuvent avoir l’air ennuyeuses. Pourtant, elles poussent simplement les designers à réfléchir autrement.

Un pilier de l’éco-branding

Cette approche s’inscrit dans le mouvement initié par Sylvain Boyer, spécialiste du design de marque. En 2017, il comprend que le futur du design, numérique ou non, ne peut être qu’écoresponsable. Il propose de repenser les stratégies de communication visuelle en modifiant les typographies, les interfaces digitales (coucou le dark mode), les couleurs, etc.

Dès lors, il démontre son point de vue en retravaillant des logos célèbres afin d’utiliser entre 20 et 40 % d’encre en moins. Résultat ? Les lignes s’affinent et les aplats de couleur s’allègent. Pourtant, les marques restent reconnaissables. La puissance de leurs logos demeure intacte.

Non seulement cette technique permet d’économiser les ressources, mais elle entraîne aussi une économie financière. Quand on sait que le logo d’une entreprise se retrouve sur des millions de supports tous les jours, cela vaut le coup de se pencher sur l’idée.

Le concept d’éco-branding va encore plus loin avec la mise en lumière des éco-couleurs. Cette fois, le designer français joue avec la quadrichromie (Cyan, Magenta, Jaune, Noir) afin de limiter la concentration de chaque teinte. Sylvain Boyer a d’ailleurs répertorié 167 couleurs écoresponsables dans un guide spécifique.

Les éco-typographies en action

Concrètement, ça donne quoi, tout ça ? Sur le podium des polices d’écriture les plus responsables, on retrouve Garamond, Times New Roman et Century Gothic. Toutefois, il s’agit là de typographies natives (ou polices systèmes). Elles existent par défaut sur votre système d’exploitation et ont l’avantage de s’afficher instantanément presque partout. Elles sont donc moins gourmandes en ressources et moins longues à charger.

En parallèle de ces options classiques, on retrouve aussi des alternatives, directement créées avec les considérations écologiques en tête. C’est le cas d’Eco Font (appelée aussi Spranq eco sans Font) et Ryman Eco, disponibles en téléchargement gratuit.

La première a été créée en 2009 par une société néerlandaise. Il s’agit d’une typographie ajourée. Les caractères présentent de tout petits trous pour éviter de les imprimer en entier.

La seconde voit le jour en 2014 à l’initiative d’une chaîne de papèterie britannique et de l’agence Grey London. Sur le même principe, elle propose des lettres plus aérées, comme si on avait seulement dessiné leur contour agrémenté de quelques lignes de remplissage.

Ces effets de style donnent des polices d’écriture simples, mais originales, nécessitant moins d’encre à l’impression et, point très important, tout à fait lisibles.

La transition écologique se joue sur tous les fronts, même là où on ne l’attend pas. Ceci dit, les options en matière d’éco-typographie restent encore assez limitées. Graphistes et autres esprits créatifs, n’hésitez pas : vous avez le champ libre pour marquer l’histoire.

Dans le même registre, certains ont choisi une approche différente. La Gazette de Helsinki (Helsingin Sanomat, en finlandais) n’a pas créé une police écologique, mais une typographie variable pour sensibiliser à l’urgence climatique. Climate Crisis n’existe qu’en gras. Ici, on ne choisit pas entre regular, italic ou bold. À la place, on fait varier sa graisse en fonction de l’année choisie (entre 1979 et 2050). Ainsi, en se basant sur les prédictions scientifiques, elle illustre la fonte des glaces.