La sournoise page « formules d’abonnement » de Neoness

Quand il s’agit d’UX design il est important d’être malin. Nous devons créer des structures de pages qui mènent nos utilisateurs de gré ou de manière totalement inconsciente vers un achat, un point de contact, un abonnement.

Aujourd’hui, et malgré un titre qui semble un peu accusateur, nous voulons tirer notre chapeau et dire un grand bravo à l’équipe d’UX design qui a travaillé sur la page « Formules d’abonnement » du site de la célèbre salle de sport Neoness.

Nous parlions récemment des secrets des neurosciences et de leur application en termes de UX design ou de marketing. L’exemple du jour relève presque de l’hypnose et on doit bien l’avouer, quelqu’un de chez nous s’est fait avoir comme un bleu (c’est Mathieu).

La page « formules », chez Neoness elle ressemble à ça

Information importante pour commencer : on va surtout parler d’UX ici. C’est l’expérience utilisateur qui nous intéresse car esthétiquement franchement c’est assez pauvre (mais finalement vous allez voir, l’essentiel est là).

Une page « formules » comme les autres ?

À première vue, oui. Et c’est là que c’est fort. Cette page « formules » ressemble à toutes les autres pages d’abonnement et c’est là que votre cerveau commence à se faire duper.

Quand c’est complexe ou nouveau, on se dit qu’il faut prendre le temps pour bien comprendre. Là les équipes UX nous proposent une page qui sur le papier peut se lire trèèèès rapidement puisque comme on l’a dit, on connait bien la musique.

Vous êtes prêt.es ? C’est parti pour la grande illusion.

1. La structure des offres d’abonnement

Votre cerveau lui s’attend à ça :

Avec sur la gauche l’offre bas de gamme, qui est souvent faite pour que personne ne la prenne. Au milieu l’offre intermédiaire, qui est souvent celle qui est la plus souscrite. Et enfin sur la droite, l’offre la plus chère avec toutes les options.

Mais vous nous direz : « c’est pas possible qu’on ne s’en rende pas compte ? ». Ou du moins, si ce n’est que ça, cela ressemblera à une grossière erreur.

C’est là qu’opère la magie : comment avec les 4 points ci-dessous, les équipes d’UX design ont réussi à faire croire à votre cerveau que l’option la plus chère était à droite et pas au milieu.

2. Forme et couleur

Visuellement une chose est sûre, les équipes UX design qui ont bossé sur le projet veulent que vous portiez toute votre attention sur la card du milieu.

A gauche et à droite les vignettes sont petites. Elles sont également toutes les deux d’un bleu glacial. Au milieu nous avons cette grande vignette rouge bien chaleureuse avec plein de bullet points : oh qu’il est confortable de fixer notre regard sur cette vignette.

3. Le label « Top vente »

Ouuuh que c’est fourbe. C’est ici que la stratégie devient limite limite, Neoness nous explique avec entrain que cette grande vignette correspond à l’offre la plus vendue. Vous en connaissez beaucoup vous des entreprises dans lesquelles tout le monde prend l’offre la plus chère ?

Surtout que cette mécanique, nous la connaissons. Habituellement en UX nous intégrons la notion de « meilleures ventes » sur l’offre intermédiaire pour inciter les utilisateurs à ne pas souscrire à l’option d’entrée de gamme.

Donc quand nous voyons le « Top vente » sur cette card du milieu, nous sommes encore un peu plus convaincus qu’il s’agit bien de l’offre intermédiaire.

4. C’est quoi une offre « PRIME » ?

Normalement l’offre la plus chère, elle s’appelle « Premium » non ? Et c’est en effet ce que veulent nous faire croire les petits filous d’UX designers car en effet, l’offre de droite s’appelle bien « Premium ».

Il fallait donc trouver un nom qui puisse passer pour une offre intermédiaire, mais qui, si jamais l’utilisateur venait à vérifier plus tard, puisse aussi signifier « au-dessus de premium ». Alors on a inventé la notion de « Prime », un nom qui veut tout et rien dire, c’est parfait.

On vous parlait d’UX writing récemment, vous vous rappelez ?

5. Le prix

Et c’est là que tout se joue. Car malgré tout, s’il est évident que l’offre du milieu coûte plus cher que celle de droite alors le château de carte s’écroule. Quand on regarde les trois cards, que voyons-nous ?

Offre « Fremium » : Prix de 0€
Affiché en plus gros, en couleur et en gras, le prix pour 4 semaines de cet abonnement est de 0€.

Offre « Prime » : Prix de 0€ la première période puis 34,99€ / 4 semaines
Ici le même traitement graphique (plus gros + couleur + gras) est appliqué à une info qui n’est plus le « prix pour 4 semaines » mais le prix de la première période. Le prix pour 4 semaines lui est placé en-dessous, en plus petit, sans couleur.

Offre « Premium » : Prix de 29.99€ / 4 semaines
Et là nous revenons sur le système de la première offre Freemium, pas d’offre sur la première période et seulement un prix pour 4 semaines d’abonnement.

Vous voyez l’astuce maintenant ? Votre œil va comparer les prix des abonnements pour 4 semaines des vignettes Freemium et Premium avec le prix de la première période de l’offre « Prime ». Donc finalement entre 0€, 0€ et 29.99€, il semble évident que l’offre la plus chère soit celle de droite vous ne croyez pas ?

C’est limite, mais très bien joué

Le plus souvent le travail d’UX design est destiné à rendre les informations les plus claires et compréhensibles possible. Alors quand on retrouve une page avec une structure familière, on ne se méfie pas et on se dit qu’on peut l’analyser rapidement avec les clés de lecture habituelles.

On imagine ici qu’il y a eu une profonde réflexion sur la question : comment maximiser les souscriptions d’abonnements les plus chers ? Neoness est positionnée comme une salle de sport « low cost », cet univers du low cost est une véritable arène dans laquelle chaque euro supplémentaire gagné est bon à prendre. Alors on s’autorise de plus en plus de choses pour atteindre son but et l’exemple de la page « formules » Neoness est un formidable exemple.

Chapeau à eux, Mathieu n’a plus qu’à demander à revenir à l’offre Premium, qui n’est pas si premium que ça.