Ce n’était sur le bingo de l’année 2025 de personne. Début février, Duolingo annonce officiellement la mort de Duo, sa mascotte emblématique. S’ensuit un véritable feuilleton sur les réseaux : enquête autour de la cause du décès, funérailles numériques, réactions outrées de marques et célébrités… Jusqu’au lancement d’un défi international pour tenter de le ramener à la vie. Analyse d’un coup de com spectaculaire.

Constat du décès
L’enquête est ouverte
Tout commence le 11 février 2025. Duolingo, l’application d’apprentissage des langages, annonce sur son compte officiel X (anciennement Twitter) la mort de sa mascotte Duo. Le petit hibou vert s’était pourtant érigé comme star des réseaux sociaux, s’emparant des tendances et des mécaniques virales pour gagner le coeur d’un public international.
L’onde de choc est palpable.
an important message from Duolingo pic.twitter.com/jTTT680yVs
— Duolingo (@duolingo) February 11, 2025
Un deuil médiatique international
L’annonce de la mort de Duo déclenche une avalanche de réactions, d’autant que le mystère plane quant aux réels motifs du décès. Une dynamique savamment entretenue par des annonces à la chaîne :
- Création d’une cérémonie funéraire où les autres personnages phares de l’application portent le cercueil ;
- Échanges et réactions en chaîne avec d’autres marques : Netflix transforme Duo en victime de Squid Game,l’Agence Spatiale Européenne l’expédie en orbite…
- Même Dua Lipa joue le jeu et s’affiche endeuillée et le cœur brisé.
Une opération de branding chirurgicale
Une campagne Social Media First
L’impact de la campagne est indéniable : Duolingo a littéralement inondé les réseaux sociaux. Sur TikTok, la vidéo annonçant le décès officiel de Duo dépasse les 60 millions de vues.
Selon le média américain Axios, Duolingo a monopolisé 84 % des conversations en ligne durant le Super Bowl, éclipsant au passage des annonceurs ayant payé plusieurs millions pour un spot publicitaire. En France, l’effet est tout aussi spectaculaire. Plusieurs centaines d’articles paraissent en l’espace de quelques jours, couvrant aussi bien la presse spécialisée en marketing et communication que la presse généraliste. Duolingo s’offre une campagne de visibilité d’une ampleur rare… Et entièrement gratuite. Habile, la chouette.


Pourquoi ça marche ?
Derrière le succès de l’opération, Duolingo applique les fondamentaux de sa stratégie social media :
- Détourner des codes familiers (annonce dramatique, message officiel du CEO, cérémonie solennelle).
- Jouer avec la communauté, en alimentant le mystère et en interagissant avec les commentaires.
- Miser sur un humour étrange et borderline, conçu pour la Gen Z.
Mais cette fois, la mécanique va encore plus loin.
Duolingo nous prend par les sentiments
Duo est avant tout une mascotte pensée pour les réseaux sociaux, et particulièrement pour TikTok. Son positionnement est à mi-chemin entre la mascotte bienveillante et le harceleur passif-agressif, traquant sans relâche les utilisateurs pour qu’ils fassent leurs leçons.
À travers sa campagne, Duolingo inverse les rôles. Et fait son grand reveal : Duo ne serait pas mort par accident, il aurait été abandonné par ses utilisateurs. Le message est clair : vous avez négligé votre apprentissage, vous en payez le prix. Et maintenant, il va falloir réparer vos erreurs.
Et c’est là tout le génie (ou la perfidie) de Duolingo : en annonçant sa disparition, la marque ne se contente pas de faire du bruit.
Elle transforme son propre storytelling en une campagne de rétention massive.
Séchez vos larmes
Quelques jours après l’annonce choc du décès, Duolingo passe à la seconde partie de son coup de com, et offre à ses utilisateurs une possibilité de rédemption. Le défi est lancé : accumuler collectivement 50 milliards de points d’expérience pour espérer le retour du hibou.
Derrière l’émotion, la mécanique de rétention est redoutable. En quelques jours, les utilisateurs redoublent d’activité et pulvérisent l’objectif. Était-ce réellement un challenge ou un simple seuil fixé pour garantir un happy end ? Peu importe. Duolingo garde la main sur le récit et s’assure de rester au centre de l’attention.

Ce que Duolingo maîtrise mieux que quiconque, finalement, ce n’est pas l’enseignement des langues. C’est de réussir à capter et à retenir l’attention de ses utilisateurs, encore et encore.
Son storytelling fonctionne et sera probablement enseigné dans les écoles de communication. Mais il soulève également quelques interrogations. Peut-il tenir indéfiniment ? Combien de fois peut-on « tuer » Duo avant que l’effet ne s’émousse ? Jusqu’où l’humour passif-agressif peut-il aller avant de lasser son propre public ?
L’avenir nous le dira.
Pour l’heure, on doit terminer notre leçon d’espagnol, alors, hasta luego.