Eco font : bonne idée ou fausse bonne solution écologique ?

Moins d’encre, c’est mieux. En théorie. Car derrière cette idée simple se cache l’un des plus jolis coups de com du design typographique : l’eco font. Une police verte, sobre, responsable. Une typographie “low impact” qui promet de sauver vos cartouches tout en sauvant la planète. Alors on imprime mieux, on imprime malin, on imprime… propre ?

Mais est-ce que ça fonctionne vraiment ? Ou est-ce qu’on se fait plaisir à peu de frais ? Spoiler : l’eco font est peut-être plus complexe qu’il n’y paraît.

Les vrais gains… souvent minimes

Dans les faits, une eco font réduit la quantité d’encre déposée sur la feuille. Grâce à des perforations invisibles ou des traits plus fins, elle allège chaque caractère sans sacrifier la lisibilité. Et oui, sur une page, cela semble malin. Mais sur le plan technique, tout dépend du matériel.

Sur une imprimante laser pro ou un modèle jet d’encre récent, les optimisations intégrées gèrent déjà très bien les flux d’encre. L’économie générée par une eco font devient donc marginale. Parfois moins de 5 %, parfois rien du tout. Et sur certains papiers ou à certaines résolutions, ces micro-gains deviennent carrément imperceptibles.

Le pire ? Si le rendu vous semble flou, vous risquez de relancer l’impression. Bonjour la double consommation. On voulait faire mieux, on fait deux fois pire.

Des problèmes de lisibilité

Autre point rarement évoqué dans les comparatifs enthousiastes : la lisibilité. Une eco font, par définition, contient moins d’encre, donc moins d’opacité. Sur un écran lumineux, aucun souci. Mais à l’impression, surtout en petit format ou sur du papier recyclé un peu granuleux, le texte peut vite devenir difficile à lire.

Pour les documents internes, les brouillons ou les supports pédagogiques, ça passe. Mais pour une proposition client ? Un dossier d’appel d’offres ? Une présentation pro ? C’est risqué. Trop de sobriété typographique peut nuire au sérieux perçu. Et ça, même la planète ne le pardonnera pas.

En fait, l’eco font fonctionne mieux quand elle est utilisée avec parcimonie. Sur certains supports, dans certains contextes, avec certains paramètres. Elle demande une vraie réflexion en amont. Pas juste un glisser-déposer dans votre gabarit Word.

Le vrai problème reste ailleurs

Réduire l’encre, c’est bien. Mais c’est souvent l’arbre qui cache la forêt. Dans un monde où l’on imprime toujours plus pour de fausses bonnes raisons (doubles copies, oubli de recto-verso, documents non lus), l’impact principal ne vient pas de la police utilisée, mais du volume global d’impression.

Et surtout, du papier. Car oui, le vrai poste d’impact reste la matière. Le papier. Le support. Même recyclé, même certifié. Une impression reste une ressource physique mobilisée. À ce jeu-là, mieux vaut ne pas imprimer du tout qu’imprimer “écolo”.

Sans parler de la maintenance. Des cartouches jetables, des têtes d’impression obsolètes, des imprimantes remplacées tous les 4 ans. La sobriété numérique, c’est aussi ça. Penser le cycle complet. Pas juste percer des lettres.

Le greenwashing du numérique “low effort”

Alors forcément, proposer une eco font dans une entreprise, c’est séduisant. C’est propre, discret, visible. Cela donne l’illusion d’un effort accessible. Une preuve d’engagement sans modifier les usages. En communication interne, ça sonne bien. Sur un rapport RSE, encore mieux. Mais est-ce suffisant ?

En réalité, une eco font ne change rien si l’on n’accompagne pas ça d’une politique d’impression sobre et volontaire. Le danger, c’est de s’en contenter. De croire qu’un choix de police suffit à incarner une démarche de transition. C’est une étape, pas une stratégie.

Et c’est valable pour toutes les approches “low effort” du numérique éthique. Installer un plugin, compresser deux images, ajouter un mode sombre sans penser à l’usage réel. On coche des cases. On se fait du bien. Mais on ne change rien.