On parle beaucoup d’écoconception dans le numérique. Design léger, hébergement propre, sites sobres. Mais il existe un geste bien plus discret, presque invisible. Utiliser une eco font. Une police pensée pour consommer moins d’encre. Littéralement. Pas un effort marketing flou, mais une vraie astuce typographique qui intrigue autant qu’elle fascine. Alors simple gadget ou solution sérieuse ? On fait le point.
Eco font : comment une police peut économiser de l’encre ?
Comment fonctionne une éco-font
Une eco font, c’est une police de caractères où les lettres sont discrètement trouées. Oui, trouées. De minuscules perforations réparties dans les courbes des lettres, suffisamment subtiles pour ne pas gêner la lecture mais efficaces pour réduire la quantité d’encre déposée. À l’impression, chaque lettre consomme un peu moins. Sur une page, c’est négligeable. Sur des milliers, ça commence à compter. C’est de l’optimisation silencieuse, à la frontière entre design graphique et écologie appliquée.
L’objectif n’est pas de sacrifier la lisibilité, mais de rendre chaque page un peu plus légère. Une eco font est conçue pour rester agréable à lire tout en réduisant l’encre utilisée. C’est un travail d’équilibre entre esthétique et efficacité, un peu comme tailler les coins d’un carré pour qu’il tienne dans un cercle… mais sans que personne ne le remarque.
Les premières éco-fonts célèbres
Le concept a été popularisé par la société néerlandaise SPRANQ avec une police sobrement nommée Ecofont. Elle a même été accompagnée d’un logiciel pour convertir automatiquement vos documents à ce style allégé, directement intégré à Word ou Outlook. Ryman Eco a suivi, avec une approche plus élégante et une promesse jusqu’à 30 % d’encre économisée. Moins tech, plus typographique.
Et dans un registre différent, certains adorent citer Garamond comme police naturellement économe. Ce n’est pas une eco font à proprement parler, mais sa finesse en fait un choix populaire pour les impressions soucieuses du budget. Si vous êtes curieux de tester par vous-même, des plateformes comme Ecofont Software proposent des outils gratuits pour visualiser vos économies d’encre.

Quelle économie réelle d’encre
Mais une fois passée l’idée séduisante, reste la vraie question : est-ce que ça marche ? Des tests ont été menés dans des contextes variés. Les résultats oscillent entre 10 et 30 % d’économie selon le matériel utilisé, le type d’imprimante (jet d’encre ou laser), la qualité d’impression et même le papier. Les gains les plus nets apparaissent sur les impressions en mode standard, avec des documents longs et répétés.
Cependant, les écarts sont parfois minimes. Sur les imprimantes récentes, l’économie d’encre liée à la police est absorbée par des paramètres d’optimisation automatique. Pire : une eco font mal rendue peut donner un résultat flou, poussant à réimprimer. Un comble pour une solution censée réduire l’impact.
Il est aussi important de rappeler que toutes les impressions ne sont pas concernées. Pour des documents légaux, des supports de communication ou des présentations haut de gamme, l’eco font reste difficilement justifiable. Ce n’est pas une solution universelle. Mais dans certains cas bien ciblés, elle reste une option pertinente.
Les usages professionnels et collectifs
Là où l’eco font devient pertinente, c’est dans les environnements à fort volume. Une école, une administration, une entreprise avec des centaines de documents imprimés par mois. C’est là qu’une eco font fait la différence. Pas besoin de changer de comportement, juste une bascule dans le choix typographique et vous économisez, doucement mais sûrement.
Prenons l’exemple d’un collège imprimant environ 15 000 pages par mois. En passant à une eco font sur tous les supports internes (devoirs, circulaires, documents de travail), l’économie annuelle peut dépasser les 400 euros en cartouches. Pour une collectivité, ces petits montants répétés deviennent vite des lignes budgétaires visibles.
Certaines structures vont encore plus loin en intégrant ces polices dans leurs gabarits d’impression officiels. C’est discret, indolore, et ça réduit l’impact environnemental sans altérer la productivité. Même dans le privé, des startups optent pour ce type d’optimisation dans une logique de responsabilité élargie. C’est simple, c’est sobre, c’est dans l’air du temps.
L’eco font n’est pas magique. Elle ne va pas compenser une politique d’impression absurde ou des habitudes de surconsommation. Mais elle a le mérite d’être simple, gratuite ou peu coûteuse, et de s’inscrire dans une logique d’écoconception facile à mettre en place. Un petit pas, peut-être, mais un pas quand même.
Imprimer mieux ne veut pas dire ne plus imprimer du tout. C’est repenser les détails, les gestes répétés, les réflexes qu’on oublie. Une eco font n’est qu’un levier parmi d’autres. Mais si vous imprimez beaucoup, souvent, et sans toujours y penser, c’est un levier qui mérite qu’on l’active.
Et parfois, pour imprimer plus propre, il suffit juste d’un peu moins d’encre.